| Sujet: La brebis, le loup, le chasseur Ven 28 Juin - 19:40 | | Melvin sortit de l’amas de tôles qui constituait son domicile et descendit dans les boyaux des favelas. Il faisait une chaleur à crever mais la ferraille rendait les habitations encore plus suffocantes alors, comme nombre de ses voisins, il était sorti. De toute façon, il avait à faire.
Les places étaient inondées de monde réfugié sous de gigantesque toiles rapiécées tendues par les lampadaires situés aux antipodes les uns des autres. Il y faisait à peine plus frais, mais c’était convivial. La plupart des gens était assise. Çà et là couraient des enfants qui se chamaillaient ou jouaient à l’écorcheur.
Il dépassa quelque peu la place pour s’engouffrer dans un cul de sac. Là, la mélodie d'une radio se fit entendre crescendo jusqu’à ce qu’il arrivât aux abords d’une ancienne échoppe de coutellerie qu’on avait reconverti en habitations. Un garde du corps se tenait là, patibulaire, les mains jointes devant lui comme un prêtre à un enterrement. Melvin lui montra sa trousse à outils et le molosse hocha la tête, simple mouvement qui suffit pourtant à faire craquer tout le cuire de son armure.
Se demandant comment il faisait pour ne pas tomber en apoplexie avec cette chaleur, Melvin se contenta de passer son chemin pour rejoindre le jardin des frigos qui entouraient la petite cours intérieure où les pontes du crime et du commerce des favelas se rafraîchissaient, protégés par des tireurs situés aux fenêtre défoncées du premier étage.
En effet, des réfrigérateurs sans porte étaient branchés en série tous les trois mètres et alimentés via un réseau de gros câbles noirs montant tels un lierre goudronné le long du mur de pierre jusqu’au toit, deux étages plus haut, où un moteur à dynamo servait d’alimentation.
Là, de nombreuses goules se relayaient pour tourner des manivelles ou pédaler le plus longtemps possible avant d’abandonner ou de pâmer, épuisées par la chaleur. Une fois qu’elles quittaient leur poste, les goules gagnaient une capsule par demi-heure de travail et s’en allaient, d’autres prenant leur place. Il fallait vingt personnes officiant simultanément pour alimenter les réfrigérateurs.
Avec son bleu de travail, Melvin se dirigea vers celui qui était en panne. C’était une perte de cinquante capsules par heure, et l’après-midi commençait à peine, c’est pourquoi il s’en était vu offrir cent pour le travail, à condition qu’il ne fût pas trop lent. La besogne fut achevée en quarante minutes à sa grande fierté, et on le gratifia même d’un verre d’eau filtrée et fraîche, les convives le regardant avec l’air amusé de bourgeois devant un enfant sauvage. Malheureusement, la satisfaction de la goule fut de courte durée… |
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