ID : PYTHIE
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Bienvenue Eleonora.
Système vocal Pneuma
Entrée 00001
“ Un… deux… Test ? L’oscillateur bouge ! Ca marche ! Zdorovo !
Hum, hum...
Hey ! Salut pneuma ! Ceci est le premier essai de ta nouvelle fonction d’enregistrement vocal.
Tout a l’air de marcher, parfait ! Ca mérite bien une petite récompense !
*Bruit d’un briquet qui s’allume*
Mh, bon maintenant que j’ai vérifié l’état de ton dispositif, il vaudrait mieux que je raconte quelque chose, ça m’évitera d’avoir à effacer un premier enregistrement quasiment vide.
Bon ben tiens allez, j’ai jamais eut l’occasion de le faire, je vais t’en dire plus sur moi.
Alors mon nom tu le sais déjà c’est Eleanor Sakharov. Je suis née le 23 février 2264 à l’hôpital Saint Barthélemy dans ce petit paradis utopique qu’est l’Enclave.
J’avais une famille très aimante et équilibrée. Enfin jusqu’au décès de ma mère, deux heures après ma naissance. Ouais je sais, ça craint. Mais en même temps je l’ai pas connue alors difficile d’être réellement triste à ce sujet. Quelque part je me demande ce qu’aurait été ma vie si elle était pas morte de cette hémoragie interne.
Quoiqu’il en soit, mon père prit assez mal la mort en couche de son épouse et, réaction prévisible chez beaucoup de personnes dans ce genre de cas, il me l’a reproché toute ma vie. Après, faut dire qu’être la fille unique de Ivan Sakharov, c’est pas forcément la meilleure place. Ah ouais faut que je t’explique ; Ivan c’était un ancien soldat de l’Enclave. La recrue parfaite, réfléchissant jamais plus loin que les ordres, respectant ses supérieurs et leurs décisions, prêt à mourir pour sa faction et son pays - comme s’il en restait un de pays - bref le soldat parfait pour monter en grade et c’est ce qu’il a fait ce vieux salaud. A vingt cinq ans il avait déjà gravi quelques échelons, finissant major après une mission “héroïque” où, avec deux autres soldats, ils avaient repoussé une troupe de super-mutants alors que tous leurs compagnons étaient à terre. Un héro de guerre en quelque sorte. Ca m’a toujours fait rire ça, un “héro de guerre”… Aujourd’hui les héros de guerre ne sont plus ceux qui sauvent des vies ou protègent des innocents, c’est seulement ceux qui ont la plus grosse arme et tuent le mieux.
Enfin, ça le rendait tout fier de ce qu’il était et ça lui attirait le respect et la sympathie de ses camarades de l’armée, chacun trouve son bonheur là où il peut. Toujours est il que quand j’ai vu le jour, il avait atteint le grade de Lieutenant.
Durant les premières années de ma vie, mon paternel a été plutôt absent. Dès ma naissance il m’a vite collée dans les bras d’une nourrice qui m’a élevée et jusqu’à mes huit ans les seuls moment où je le voyais c’était lorsqu’il rentrait de la caserne et passait dans la même pièce que moi pour donner les instructions à la gouvernante. Il me méprisait pour ce que j’étais : un héritier dépourvu de pénis, le seul qu’il aurait. Un héritier qui, d’après lui, avait tué l’amour de sa vie. La seule attention qu’il m’accordait était lorsqu’il m’aboyait un ordre d’une façon aussi délicate qu’un sergent-instructeur.
En bref, c’était les meilleures années de ma jeunesse. Oui je sais ce que tu penses… Non en fait tu ne penses pas - pas encore du moins - tu es juste un système de stockage de données pour l’instant. Disons ce que peuvent penser les gens de ça, que je suis le genre d’ado ingrate qui “préférerait que ses parents n’existent pas” et qui trouve que “la vie c’est de la merde”. Mais pas du tout, j’adore ma vie actuelle ! Quant à mon père je n’ai aucune envie qu’il n’existe pas, à vrai dire quand j’y pense je me fiche un peu de ce qu’il peut bien faire maintenant. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais j’arrive pas à m’y intéresser.
Aussi loin que mes souvenirs nets remontent, c’est à dire à mes deux ans, j’ai toujours été curieuse de nature et surtout particulièrement fascinée par tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à de la mécanique. Je me souviens qu’à trois ans j’avais démonté morceau par morceau le petit jouet de cheval mécanique qu’on m’avait donné, juste pour voir comment il fonctionnait à l’intérieur. Ca m’a valu une demi-heure de piquet mais ça m’a appris que j’adorais ça décortiquer des trucs pour en comprendre le fonctionnement.
Donc durant ces premières années de ma vie, je suis passée des bras de ma nourrice à l’éducation de plusieurs tuteurs qui m’ont appris les bases de l’anglais, des mathématiques, de la littérature, des sciences… Ah oui j’ai oublié de préciser que mon père ne voulait pas que j’aille à l’école publique de l’Enclave. Je sais pas si c’était par mépris pour l’éducation qu’il ne pouvait contrôler ou par refus de montrer aux autres la déception que j’étais pour lui. De toute façon je me suis rapidement ennuyée dans tous ces cours. Je ne sais pas trop comment, mais je comprenais tout rapidement, assimilant des connaissances qui allaient bien au delà de celles de mon âge. Pourtant, mes professeurs s’obstinaient à vouloir me faire suivre un stupide programme bien cadré par la société. Autant dire que j’ai vite décroché, pour me mettre à faire des conneries et faire enrager ces vieux butés.
Arrivèrent alors mes huit ans et les problèmes qui allaient avec. C’est à dire que comme je grandissait, et que les seuls nouvelles que mon père obtenait de mes tuteurs étaient celles de mes “enfantillages” et de mon manque d’attention, celui ci a décidé d’ajouter sa pierre à l'édifice branlant de mon éducation. C’est comme ça qu’a commencé mon entraînement militaire. Et si j’utilise ce mot c’est pas à la légère : il m’imposa une liste de règles très strictes à suivre à la lettre et un rythme de vie quasi militaire. Je devais me lever à heure fixe tôt le matin, j’avais des exercices physiques et de tir épuisants tous les jours et il fit même couper mes cheveux courts et brûler certains de mes vêtements considérant qu’ils faisaient trop “fille”. Oui en gros il s’était mis en tête de faire de moi un fils digne de ce nom. Stupide et illogique s’il avait réfléchi deux secondes à l’avenir. Mais réfléchir n’a jamais été son point fort et il ne prévoit jamais plus loin que le présent.
Du coup comme tu t’en doute, je n’ai pas été une élève très brillante à sa formation masculine. Très vite épuisée par les efforts physiques, même pas capable de viser une cible à 4 mètres. Une déception perpétuelle pour ce vieil ivrogne qu’était devenu mon père. Ah ouais j’ai oublié de te dire que mon père s’était mis à boire depuis la mort de sa femme, un peu trip. Cela lui avait valu d’être transféré au rôle de sergent-instructeur par ses supérieurs, qui avaient jugé que c’était mieux pour tout le monde. Cette rétrogrades le poussa à boire encore plus et à ton avis qui en a fait les frais ? Exact, bibi. Lorsqu’il buvait trop, c’est à dire une fois par semaine environ, et que je me montrait pas à la hauteur de ses attentes, ce vieux salaud me battait sans hésitation et il savait cogner. Combien de fois j’ai dû m’endormir dans une position inconfortable pour ne pas me coucher sur une cheville cassée ou un bleu immense sur les côtes. Au moins ça a eu le mérite de rendre plus endurante aux coups et à la douleur.
Cette période de ma vie, étrangement je m’en souviens assez peu. Je me souviens surtout de la douleur cuisante des coups qui me rappelait que j’étais vivante et de la rancoeur grandissante envers l’homme stupide et aigri qu’est mon père.
Alors qu’est ce qui se passe quand on a un père violent et alcoolique, qu’on suit des règles extrêmement strictes depuis ses huit ans et qu’on déteste tout simplement cette vie ? Ben on se rebelle pardi, comme tous les gosses.
Lorsque j’ai atteint l’adolescence à mes 12 ans avec mes premières menstruation, j’ai réalisé que malgré toute sa tyrannie, mon père ne pourrait jamais faire de moi un fils et que la nature m’offrait ce qu’il ne pourrait jamais m’enlever. Donc je me suis mise à me rebeller discrètement.
D’abord j’ai commencé à fuguer et faire le mur de plus en plus souvent. Ça m’a permis de sortir de la maison familiale et voir l’extérieur, rencontrer des jeunes de mon âge, découvrir tout ce que j’avais manqué. Ça m’a valu de nombreuses fois de me faire chopper par mon père et enfermer plusieurs jours dans la cave à l’eau et au pain mais ça valait le coup. Car outre le fait de m’éclater enfin j’ai commencé à ramener de mes escapades des composants électroniques et des livres de science mécanique cachés dans mes vêtements qui m’ont permi de construire mon premier ordinateur dans cette cave. Ça a été la deuxième étape de ma rébellion. Vu que les entrainements physiques de mon père ne marchaient pas et m’ennuyaient, je me suis concentrée sur ce qui m’intéressait le plus : la mécanique et l'électronique. Ces domaines me fascinèrent immédiatement et je ressentis en les pratiquant une sensation que je n’avais encore jamais ressentit auparavant, la passion. Tout m’intéressait enfin dans ce domaine, tout était source de découverte, les connaissances s’accumulaient dans mon esprit et je les assimilais avec une vitesse déconcertante même pour moi. La cave devint bientôt ma “base” où je pratiquais mes premiers montages et expériences électro-mécaniques. Quand j’y pense, si mon père avait su ce qui se passait dans son sous-sol à chaque fois qu’il m’y jetait. Mais comme j’ai dit, voir plus loin que le bout de son nez ça n’a jamais été son fort.
*rire*
Ma troisième marque de rébellion a été de me lâcher enfin. Comme j’entrais dans l’adolescence j’ai commencé à faire des conneries et à tenter toutes sorte de choses. Le vol, le vandalisme avec d’autres gosses de l’Enclave, puis à 13 ans l’alcool, la cigarette et certaines drogues dures, quoique pour ces dernières ça ne s’est résumé qu’à des essais vu que je n’aimais pas l’effet réducteur et brouilleur qu’elles avaient sur mes capacités mentales.
Je me suis également réconcilié avec ma féminité et aux alentours de mes 14 ans j’ai commencé à fréquenter. D’abord j’ai suivi les normes de notre bonne vieille société bien pensante et je ne suis sortie qu’avec des mecs, jouant les filles timide et les laissant faire le premier pas de séduction de manière plus ou moins subtile.
En revanche j’ai attendu mes 16 ans pour sauter le pas et avoir ma première fois. C’était pas vraiment le pied et je me suis plus ennuyée qu’autre chose. Il faut dire que Mark, le type de 17 ans que je fréquentais, était plutôt du genre à rouler des mécaniques et penser davantage à son propre plaisir, bref pas très doué comme amant. Ça n’a pas tenu longtemps, mais au moins cette nuit m’a fait me sentir différente, autant physiquement que mentalement. Je me suis davantage affirmée et j’ai commencé à entrer en conflit avec mon père. Cette année là la maison Sakharov a beaucoup retentit de nos cris et des bruits de nos disputes. Mon père m’assénait encore parfois de cuisantes corrections mais ça devenait de plus en plus rare et je sentais son autorité décroître. Ça a renforcé mon assurance et je suis allée toujours plus loin dans les provocations. Ça a été là ma première erreur de calcul. Pour lutter contre le système on ne le provoque pas ouvertement, on agit plus en finesse. Mais bon j’étais jeune et impétueuse, stupide quoi.
Pour en revenir à cette période, je multipliais les marques de rébellion, repoussant toujours plus loin les limites : tatouage de dragon dans le dos, addiction à la cigarette, piercing sur la narine, aventures par ci par là… Des trucs d’ado quoi. Quoique j’ai pas tellement changé à ce niveau. À l’époque je faisais partie d’un groupe de jeunes de mon âge avec qui j’allais faire les quatre-cent coups dans les rues. Il y avait Driss, qui se proclamait lui même chef de bande sans que personne ne le prenne vraiment au sérieux, Mark, mon ex toujours aussi fier et dragueur, Maria, une blonde au fort caractère qui sortait avec Driss, Enzo, un petit malin accro à la clope et Vicky. Vicky… Une belle brune typée brésilienne, la peau colorée comme le sable, les yeux noirs brillants tels deux obsidiennes, un visage fin marqué d’une petite tache de naissance sur la mâchoire inférieure gauche… Je me souviens de chaque détail comme de l’attirance que j’ai tout de suite ressenti envers elle, sans pouvoir l’accepter au début. Forcément lorsqu’on reçoit une éducation à l’ancienne et aussi cadrée que la mienne, même quand on commence à s’en détacher on a du mal à s’en détacher totalement et immédiatement. Mais je ne pouvais pas ignorer les sentiments que j’avais à l’égard de Vicky, sans compter que Mark lui tournait aussi autour depuis qu’on s’était séparés, ce qui m’a convaincue plus rapidement de passer le cap.
Cap que j’ai passé à l’aube de mes 17 ans. Je me souviendrais toujours du moment où, après deux mois de cet étrange duel de flirt avec Mark, j’ai fini par dire à Vicky ce que j’avais sur le coeur, et du moment où elle m’a donné une réponse positive que je n’attendais pas vraiment.
Les semaines suivantes ont été intenses et passionnée et j’ai découvert un autre type de rapports, plus doux, plus brûlant qui m’a aidé à accepter cette partie de ma personnalité. Filles comme garçons, tous avaient des comportements, des réactions et des caresses différentes et ce qui m’attirait était leur personnalité et leur physique, non leur genre. Quoiqu’il en soit, Vicky et moi avons partagé de nombreux moments fougueux et ironiquement ce sont ces ébats qui m’ont à la fois apporté une évolution personnelle et précipité la suite. Car comme je l’avais dit ma période de rébellion envers mon père continuait et je repoussais toujours plus loin les limites de la provocation envers lui. A tel point que mon défi le plus marquant fut aussi le dernier de cette période.
Ce jour là, j’avais décidé de profiter d’une absence de mon père pour inviter VIcky directement dans la maison familiale. Forcément, il fallut que mon père rentre finalement plus tôt que prévu et nous trouve nues et enlacées dans ma chambre. Vicky a fuit immédiatement sous l’intensité de ses hurlements, bientôt rejoints par les miens. Il sentait fort la vodka et malgré ses cris de rage parfois incompréhensible je compris la raison de son retour précipité : à cause de sa concentration limitée au travail et du manque d’effort qu’il avait fait à contrôler son alcoolisme, ses supérieurs avaient finalement décidés de le mettre sur la touche. Ca ne me déclenchait aucun remord, à vrai dire je m’en fichais éperdument, ce qui me poussa à l’affronter une fois de plus, mettant à jour ma bisexualité et son manque d’intelligence. Ca m’a valu la pire correction de toute ma vie. Il est devenu rouge carmin et a commencé à me frapper. Bien sûr je ne me suis pas laissée faire cette fois, mais je n’étais pas de taille face au militaire entraîné qu’il était. Malgré ma prétention à lui prétendre le contraire, je peux vous dire que ça faisait un mal de chien. Il frappait avec acharnement chaque partie de mon corps, mettait toute sa rage accumulée depuis ma naissance dans ses coups. Je crois que j’aurais pu mourir ce jour là si Vicky n’était pas revenue avec son père pour sonner à la porte, prétextant un oubli de casquette. Chaque parcelle de mon corps me brûlait, j’arrivais à peine à bouger et mon oeil gauche était si gonflé que même la vue du droitier était floue. J’ai compris ce jour là que si je sortais vivante de cette épreuve, il faudrait que je fuis cette maison pour ne jamais y revenir.
L’intervention de Vicky réussi au moins à redonner un semblant de raison à mon père qui, réalisant sans doute les graves ennuis qui allaient lui arriver, vint me relever de force et me coucha dans un lit pour appeler un médecin. Mais il n’allait sans doute pas en rester à une bête agression physique et le lendemain j’appris mon châtiment suivant : il s’était arrangé avec ses relations à la caserne pour que j’y sois transférée comme nouvelle recrue militaire et que j’y suive une formation intense, ceci dans le but de m’apprendre “le respect et la discipline une bonne fois pour toute”. Je n’ai eu à aucun moment l’occasion de fuir comme je l’avais prévu ni même de faire mes adieux à Vicky; dès que l’essentiel de mes os furent ressoudés et mes blessures un minimum guéries, je fus envoyée à la caserne de l’Enclave. C’est comme ça que commença la dernière étape de mon histoire.
[EN COURS DE TRANSFERT]